Les droits d’exclusivité dans les marchés publics

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Les droits d’exclusivité dans les marchés publics

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Droit de la construction, marchés publics

Les droits d’exclusivité dans les marchés publics

L’article R 2122 – 3 du code de la commande publique rappelle les modalités selon lesquelles les marchés de gré à gré sont possibles en raison notamment de la présence de droits d’exclusivité.

L’examen de la jurisprudence rendue en la matière donne quelques éléments d’indication sur les conditions dans lesquelles le juge administratif, juge du contrat public, analyse ces exigences.

C’est ainsi que la cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 10 janvier 2019 rendu sous le numéro 16 Y03 670 est venue apporter d’utiles précisions sur la notion de « raisons techniques ».

Le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (SYTRAL) avait conclu avec la société Keolis Lyon par ailleurs délégataire de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise, un marché pour la révision d’éléments techniques de la ligne D du métro de Lyon.

Ce marché a été conclu au terme d’une procédure de passation négociée sans mise en concurrence préalable sur le fondement de ce qui était alors le 3°de l’article 144 du code des marchés publics.

Cet article disposait :

« Les entités adjudicatrices passent leurs marchés et accords-cadres dans les conditions suivantes.
I.-Elles choisissent librement entre les procédures formalisées suivantes :
1° Procédure négociée avec mise en concurrence préalable ;
2° Appel d’offres ouvert ou restreint ;
3° Concours, défini à l’article 38 ;
4° Système d’acquisition dynamique, défini à l’article 78.
II.-Elles peuvent également recourir à la procédure négociée sans mise en concurrence préalable dans les cas suivants :
1° Pour les marchés et les accords-cadres qui n’ont fait l’objet d’aucune offre ou d’aucune offre appropriée au sens du 3° du II de l’article 35 ou pour lesquels aucune candidature n’a été déposée dans le cadre d’une procédure formalisée, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées ;
2° Pour les marchés et les accords-cadres conclus uniquement à des fins de recherche, d’essai, d’expérimentation, d’étude ou de développement sans objectif de rentabilité ou de récupération des coûts de recherche et de développement et dans la mesure où la passation d’un tel marché ne porte pas préjudice à la mise en concurrence des marchés subséquents qui poursuivent notamment un tel objectif ;
3° Pour les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ; »

Le préfet contestant la légalité de ce marché avait déféré à la censure du tribunal administratif puis de la cour.

Cette dernière, analysant le marché et notamment l’argumentaire utilisé par le syndicat mixte consistant à indiquer que l’immobilisation d’un nombre trop important de rames compromettrait la continuité de l’exploitation déjà perturbée par des dysfonctionnements techniques récurrents, a rejeté l’argumentaire.

Elle a estimé que le recours à un prestataire unique maîtrisant l’organisation et la conduite simultanée des opérations de maintenance et de révision n’était pas justifié par des raisons techniques suffisantes.

Elle a considéré que les appelants ne démontraient pas « de manière suffisamment précise et circonstanciée » que des raisons techniques au sens du code des marchés publics, s’opposaient à l’intervention d’un autre prestataire dans des conditions équivalentes et qu’il était par suite « indispensable » que Keolis Lyon assure les prestations objet du contrat en litige.

Cela l’était d’autant moins que Keolis Lyon indiquait avoir recours à la sous-traitance…

Les enseignements de cette décision sont de deux ordres :

  1. Il appartient aux collectivités et entités adjudicatrices qui souhaitent avoir recours aux marchés négociés de gré à gré de décrire de manière précise et circonstanciée les raisons techniques qui permettent une telle démarche.
  2. Ce raisonnement intellectuel doit conduire à rendre indispensable le recours aux prestataires identifiés dans le cadre du marché de gré à gré.

Ils sont à appliquer aussi bien en ce qui concerne les entités adjudicatrices que les pouvoirs adjudicateurs, et ont toute leur pertinence sur la mise en oeuvre de l’article R 2122-3 du code de la commande publique dont le texte est le suivant :

« L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une des raisons suivantes :
1° Le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ;
2° Des raisons techniques. Tel est notamment le cas lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire ;
3° L’existence de droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle.
Le recours à un opérateur déterminé dans les cas mentionnés aux 2° et 3° n’est justifié que lorsqu’il n’existe aucune solution de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché. »

L’analyse « précise et circonstanciée » du contexte de ces marchés et de leurs spécialités techniques, ainsi que des droits d’exclusivité du prestataire, sont donc plus que jamais indispensables.

Thomas Drouineau
Avocat associé
DROUINEAU 1927