Comment gérer la concession d’un logement de fonction en cas d’arrêt maladie de l’agent occupant ce logement ?

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Comment gérer la concession d’un logement de fonction en cas d’arrêt maladie de l’agent occupant ce logement ?

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Comment gérer la concession d’un logement de fonction en cas d’arrêt maladie de l’agent occupant ce logement ?

Le décret n° 2012-752 du 9 mai 2012, portant réforme du régime des concessions de logement, précise dans son dispositif que :
« ― seuls les personnels ayant une obligation de disponibilité totale pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité ont vocation dorénavant à bénéficier d’un logement par nécessité absolue de services. Les fonctions correspondantes seront déterminées par des arrêtés interministériels ;
― les concessions de logement par utilité de service sont supprimées. Elles sont remplacées par un régime de convention d’occupation à titre précaire au bénéfice des catégories de personnels qui, sans remplir des fonctions leur ouvrant droit à une concession de logement par nécessité absolue de service, sont tenus d’accomplir un service d’astreinte. Une redevance d’occupation sera due par les bénéficiaires, qui représentera 50 % de la valeur locative réelle des locaux, calculée sur le montant des loyers du marché immobilier local. Les fonctions correspondantes seront déterminées par des arrêtés interministériels ».

Or, en application du principe de parité entre les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique d’État, posé à l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les dispositions précitées du décret n° 2012-752, sont applicables aux agents de la fonction publique territoriale.

Le Conseil d’État a considéré en ce sens, dans son arrêt n° 147962 du 2 décembre 1994, que :
« Considérant que ces dispositions qui confèrent aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics compétence pour déterminer, dans le respect des critères fixés par la loi, les emplois auxquels peut être attachée l’attribution d’un logement de fonction et l’étendue de l’avantage ainsi accordé sont applicables sans que l’édiction par les autorités de l’Etat d’un texte réglementaire, qu’elles ne prévoient d’ailleurs pas, soit nécessaire ;
Considérant toutefois que, dans l’exercice de la compétence qui leur est ainsi reconnue par les dispositions précitées de l’article 21 de la loi du 28 novembre 1990, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent se conformer au principe de parité entre les agents relevant des diverses fonctions publiques dont s’inspire l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu’ils ne peuvent par suite légalement attribuer à leurs agents des prestations, fussent-elles en nature, venant en supplément de leur rémunération, qui excèderaient celles auxquelles peuvent prétendre des agents de l’Etat occupant des emplois soumis aux mêmes contraintes ; qu’il leur appartient d’une part, en ce qui concerne l’appréciation des contraintes justifiant l’attribution d’un logement de fonction, de distinguer celles qui, parce qu’elles appellent de la part de l’agent une présence pouvant être regardée comme constante, justifient que ce logement soit attribué gratuitement, de celles qui rendent seulement utile, au regard des exigences du service, la fourniture dudit logement, qui alors doit être assortie du paiement par l’intéressé d’une redevance, et d’autre part, en ce qui concerne les avantages accessoires liés au logement, d’en arrêter la liste sans procurer aux agents, à ce titre, une prestation plus favorable que celle dont bénéficierait un fonctionnaire de l’Etat placé dans la même situation ».

Également, le dispositif du décret précité en utilisant le terme de « personnels », ne fait aucune distinction entre les agents titulaires et les agents contractuels. Ainsi, la collectivité peut parfaitement, sous réserve d’adopter une délibération, attribuer un tel logement à un agent contractuel.

Le régime juridique issu du décret précité, supprime la concession de logement pour utilité de service. Il convient désormais de distinguer le régime juridique de la concession de logement pour nécessité absolue de services, du régime de la convention précaire avec astreinte.

L’article R. 2124-73 du code général de la propriété des personnes publiques, applicable aux concessions de logement attribuées aux agents des collectivités territoriales, dispose que :
« Les concessions de logement sont, dans tous les cas, accordées à titre précaire et révocable. Leur durée est strictement limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient. Elles prennent fin, en toute hypothèse, en cas d’aliénation ou de désaffectation de l’immeuble.
Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes formes et conditions.
Lorsque la concession vient à expiration, pour quelque motif que ce soit, l’agent est tenu de libérer les lieux sans délai sous peine de se voir appliquer les sanctions prévues à l’article R. 2124-72 ».

Les concessions de logement sont donc précaires et révocables. Egalement, l’agent doit être effectivement en fonction, pour justifier l’emploi du logement.

La question est donc de savoir si l’agent en congé maladie ordinaire est réputé occuper effectivement l’emploi qui justifie l’attribution de ce logement.

L’article 27 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, pris pour l’application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l’organisation des comités médicaux, aux conditions d’aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dispose que :
« (…). Lorsque le fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée bénéficie d’un logement dans un immeuble de l’administration, il doit quitter les lieux si sa présence fait courir des dangers au public ou à d’autres agents, ou est incompatible avec la bonne marche du service ».

Lorsque l’agent occupant le logement est en congé de longue maladie ou de longue durée, l’autorité territoriale peut l’enjoindre à quitter les lieux, si sa présence est incompatible avec la bonne marche du service.

A contrario, l’agent en congé de maladie ordinaire est considéré être en service effectif et n’est pas tenu de quitter le logement. Dans ces conditions, tant que l’agent est en congé de maladie ordinaire, l’autorité territoriale ne pourra pas l’enjoindre légalement à quitter le logement.

Il convient néanmoins d’être pragmatique et efficace et de considérer l’intérêt supérieur du bon fonctionnement du service public.

La collectivité peut ainsi saisir le Président du tribunal administratif territorialement compétent, en sollicitant d’enjoindre à l’agent de quitter le logement, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, qui dispose que :
« En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé dans son arrêt n° 98NC00492, du 15 octobre 1998, que :
« Considérant, d’une part, que le maire de la commune de Dunkerque a prononcé le 20 mars 1995 la mutation dans l’intérêt du service de M. Y…, agent auparavant chargé de l’entretien et du gardiennage du cimetière communal de Petite Synthe ; que l’intéressé s’est ainsi trouvé privé de tout titre à occuper le logement de fonction attenant audit cimetière qui lui avait été attribué par nécessité de service ; que, par suite, la décision précitée de mutation et l’arrêté consécutif du 24 mars 1995 par lequel il a été mis fin à compter du 1er juillet 1995 à la concession de logement de fonction consentie à M. Y… n’ayant d’ailleurs donné lieu à aucun recours contentieux de la part de ce dernier, la demande d’expulsion présentée par la commune de Dunkerque ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ; que les moyens tirés par M. Y… de l’illégalité dont serait entachée la décision de mutation précitée et de l’absence de diligence dont la commune de Dunkerque aurait fait preuve afin de le reloger sont, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de cette demande ;
Considérant, d’autre part, que la libération du logement de fonction occupé sans titre par M. Y… présentait un caractère d’urgence en raison tant de la nécessité impérieuse qui s’attachait à l’attribution du logement au nouveau gardien, résidant dans un lieu éloigné du cimetière et inadapté à ses fonctions, que des troubles préjudiciables au bon fonctionnement du service public que provoquait M. Y… du fait de son maintien indû dans les lieux ».

Quoi qu’il en soit, la décision de mettre fin à la concession de logement doit être motivée par l’intérêt supérieur du service, le caractère d’urgence et la nécessité impérieuse pour l’agent remplaçant, de disposer de ce logement pour assurer la bonne marche du service public.

Il conviendra de préciser que l’absence de mise à disposition du logement au nouvel agent, entraîne des troubles préjudiciables au bon fonctionnement du service public.

Dans ces conditions, de par l’effet de l’arrêt maladie combiné aux circonstances particulières de fonctionnement d’un service public, l’agent peut se trouver privé de tout titre à occuper le logement qui lui a été attribué par nécessité de service.

Thomas Porchet
DROUINEAU 1927
Avocat